Le sapin.
Décembre est là, à la porte. L’odeur chaleureuse du sapin
embaume la pièce. Le feu de la cheminée se reflète dans les boules de noël. L’excitation
de décorer le sapin. Le privilège ultime, les petits oiseaux, l’un doré,
l’autre bleu métallisé que nous accrochons, fiers comme des princes, la
dernière touche avant de contempler le sapin achevé. Le froid que l’on regarde
à travers la baie vitrée, les ronds de buée que nous laissons. Les profondeurs
de la nuit, nos yeux qui se plissent pour essayer d’apercevoir l’homme à la
barbe blanche. Nos visages illuminés par les bougies, par le plaisir partagé
d’être là ensembles. L’odeur des marrons s’échappe de la cuisine. L’euphorie
est suspendue dans l’air. Les chambres sont devenues salles de jeu. Nous savons
quelle sera la nuit agitée par nos chahuts enfantins. Nous savons quel sera
notre réveil très matinal. Le premier réveillé, voit percer le jour, et
réveille l’ensemble des cousins. Le plus aventureux va sans bruits observer le
pied du sapin. Les étoiles pleins les yeux, il faut trouver le sien. Réveillés
par l’agitation les parents se lèvent, contemplent la joie de leur progéniture.
Nos petites mains déchirant le papier sans ménage. Les papillotes métallisées,
pas toujours très bonnes. Les blagues qu’elles contiennent. Le mythe de
l’orange que recevaient nos parents à noël lorsqu’ils étaient enfants. Les
récits de familles. Les photos. Nos pyjamas. Nos sourires. Nos dents. La bûche.
Le sapin, la hache, le père noël, le champignon en plastique posés dessus. Le
silence religieux lorsque grand-mère et grand-père reçoivent leur cadeau. Les
assiettes en cartons, les serviettes assorties. La neige que nous espérons.
L’odeur si particulière de noël. Les villes illuminées. Les villes désertes.
Les villes assagies. Les villes apaisées. Les familles réunies derrière ces
fenêtres. Les pardons et les promesses. Le froid hivernal n’est plus agressif.
Nos cœurs se rapprochent, se serrent et se réchauffent autour du sapin. L’odeur
du sapin, le bois qui crépite dans la cheminée, nos yeux qui se ferment, la
pulpe de nos doigts qui devine ce que recouvre ce papier étoilé, les bulles de
champagne qui piquent la langue, les rires mêlés aux chants de noël. Des
sensations enregistrées à tout jamais. Des sentiments réveillés chaque année.
Des souvenirs encrés pour l’éternité.
Noël nous lance notre vie à la figure. Il nous l’affiche,
là. Il nous la montre, sans détours, les plus beaux côtés, et les plus
misérables. Noël nous installe au pied de notre existence. Noël nous place
devant notre vérité. Mensonges, défaites, nostalgie, amour, promesses,
espoirs... Noël est valeurs. Noël est candeur. Noël, c’est passé, c’est avenir,
c’est toujours. Noël, c’est enfance et c’est pour cela que nous l’aimons tant.
C’est le temps qui passe, c’est le bon vieux temps. C’est un cocon. C’est
rassurant. C’est une grande couverture partagée. C’est la douceur d’une
cuillère de miel dans du lait chaud. C’est un grand manteau de bonheur.